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Aurore boréale
26 septembre 2007

Faut rigoler

LES REQUISITOIRES DU TRIBUNAL DES FLAGRANTS DELIRES - Pierre Desproges.
Extrait du réquisitoire contre Renée Saint-Cyr, 6 avril 1981.

    "... Vous allez me dire, monsieur le Président : "On ne peut pas comparer Napoléon à Bokassa parce que Bokassa c'est un nègre."
     D'abord, monsieur le président, permettez-moi d'être quasiment choqué, estomaqué par cette réflexion venant d'un homme comme vous, nul, mais bon, chaleureux, généreux et tolérant. Vous m'auriez dit : "On ne peut pas comparer Napoléon à Bokassa parce que Napoléon c'est un Corse", là je dis bon, d'accord et je m'écrase, car le mot "Corse" n'est pas péjoratif. Encore que... De même qu'on dit aujourd'hui un non-voyant pour ne pas choquer la susceptibilité des aveugles, ou une non-bandante pour ne pas choquer la susceptibilité des boudins, on devrait créer un néologisme pour ne pas choquer la susceptibilité des Corses. On pourrait dire les "non-bossants", par exemple. C'est une simple question de délicatesse. Ainsi, moi qui vous parle, j'ai un beau-frère nain, cul-de-jatte, manchot, sourd-muet et pacifiste. Pour égayer sa vie, il suffirait que nous l'appelions le non-grandissant, non-gambadant, non-embrassant, non-entendant, non-jactant, non-comprenant et non-violent. Je dis "non-violent" parce que quand je lui balance mon poing dans la gueule, c'est rare qu'il me le rende.
    Tout cela, répétons-le, est affaire de délicatesse. On ne dit plus un infirme, on dit un handicapé, on ne dit plus un vieux, on dit une personne du troisième âge. Pourquoi, alors, continue-t-on à dire "un jeune" et non pas "une personne du premier âge"? Est-ce à dire que dans l'esprit des beaux messieurs bureaucratiques qui ont inventé ces merveilleux néologismes, la vieillesse est une période de la vie infamante au point qu'on ne peut plus l'appeler par son nom ? Est-ce que nous vivons au siècle de l'hypocrisie suprême ?
    Il y a de plus en plus de vieux. ils meurent de plus en plus seuls. On les retrouve souvent recroquevillés dans leur mansarde avec le crucifix sur le ventre et le squelette du chat à côté, morts depuis des semaines et des mois, si l'on en croit les gazettes. Ou alors ils moisissent et s'éteignent dans des mouroirs provinciaux bien proprets. Dans l'indifférence générale, car les jeunes ont le problème de la vignette moto, il faut vraiment les comprendre. Tout cela serait horrible, mais on dit "personne de troisième âge" au lieu de dire vieux et le problème est résolu. Il n'y a plus de pauvres vieux mais de joyeux troisième-âgistes. Il n'y a plus de pauvres affamés sous-développés mais de sémillants affamés en voie de développement. Il n'y a plus d'infirmes, mais de pimpants handicapés. Il n'y a plus de mongoliens mais de brillants trichromosomiques.
    Françaises, Français, réjouissons-nous, nous vivons dans un siècle qui a résolu tous les vrais problèmes humains en appelant un chat un chien."

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